Conférence d’ Élodie Boublil, 15 Mai 2012
Présentation par l’auteur :
De 1934 à 1939, Jung organise une série de séminaires se donnant pour tâche une exégèse linéaire d’Ainsi parlait Zarathoustra. Lire l’œuvre de Nietzsche devient alors un travail philosophique – et plus encore psychanalytique – visant à dévoiler la personnalité de celui qui déclarait « s’écrire lui-même », et les forces qui structurent son texte. Le geste créateur de l’auteur Nietzsche, parlant à travers la figure archétypique de Zarathoustra, devient ainsi un « cas d’étude » pour le psychanalyste Zurichois cherchant, à cette époque, à approfondir sa conception de l’individuation comme « union des opposés » (énantiodromie).
L’hypothèse de Jung est la suivante : l’incarnation de la conception nietzschéenne de la singularité dans la figure de Zarathoustra resterait prisonnière d’un corps lui-même spiritualisé. Identifier le moi au corps, à la seule lumière de l’expérimentation, reviendrait à risquer une « inflation »fatale qui confondrait la pleine puissance des forces créatrices avec la maîtrise urgente de leur intensité. Nietzsche aurait ainsi, à son insu, fait du chemin vers l’individuation un processus conduisant à la mort et à l’ « explosion ».
Nous tâcherons pourtant de voir en quoi la lecture Jungienne de Zarathoustra soutient plus qu’elle annule le projet Nietzschéen en exhibant, depuis la lettre du texte, la possibilité d’une réécriture de soi – du Soi individuel et collectif – que le philosophe et le psychanalyste appelèrent de leurs vœux, et que « l’esprit allemand, qui a eu par Nietzsche une occasion précieuse de mieux se connaître, a [selon Jung] manqué » (Jung, La réalité de l’âme,« Archaïsme et Danger de l’Inconscient »).